Résident fiscal français : le mythe des 183 jours
- Olivier Gosmant

- 17 août
- 5 min de lecture

Déterminer sa résidence fiscale est une étape cruciale pour définir son assujettissement à l’impôt en France.
En droit interne français, cette notion est encadrée par l’article 4B du Code général des impôts (CGI).
Pourtant, une idée largement répandue — la fameuse « règle des 183 jours » — est souvent mal comprise.
Cet article synthétise les règles applicables, illustre les pièges fréquents et explique pourquoi cette règle est un mythe.
1. Les critères légaux de la résidence fiscale en droit interne français
Selon l’article 4B du CGI, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France les personnes qui remplissent au moins un des critères suivants :
Avoir son foyer ou lieu de séjour principal en France.
Le foyer correspond au lieu où la personne (et sa famille, le cas échéant) habite normalement, le centre de la vie familiale.
Les indices sont la résidence habituelle, la scolarisation des enfants, le lieu de vie du conjoint/partenaire, l’usage effectif du logement.
Le lieu de séjour principal est apprécié par la durée effective de présence en France, quelles que soient les conditions de séjour.
L’indice est le nombre de jours effectué dans chacun des pays de séjour.
Exercer son activité professionnelle principale en France, qu’elle soit salariée ou non.
Les indices sont : volume de temps consacré, poids économique de chaque activité, lieu d’exercice effectif, localisation de l’employeur/clients, organisation du travail (ex. télétravail depuis la France pour une entité étrangère).
Avoir son centre des intérêts économiques en France.
Lieu où la personne a ses principaux investissements, sources de revenus ou la gestion de ses affaires.
Indices: part majoritaire des revenus de source française (salaires, BIC/BNC, dividendes, revenus fonciers), direction de sociétés françaises, gestion du patrimoine depuis la France, actifs significatifs ancrés en France.
Par ailleurs, les agents de l’État français en mission à l’étranger sont également considérés comme domiciliés fiscalement en France, sauf s’ils sont imposés dans le pays d’accueil sur l’ensemble de leurs revenus.
2. La règle des 183 jours pour la résidence fiscale : un mythe
On voit donc bien ici que la croyance d’un seuil absolu et unique d’une présence en France de moins de 183 jours pour déterminer son statut de résident fiscal en France est une erreur.
D’une part le temps de séjour n’est qu’un élément des textes officiels.
D’autre part il n’est pas mentionné un seuil de 183 jours, mais la notion de durée principale.
3. Où trouve-t-on (vraiment) les « 183 jours » ?
Dans certaines conventions fiscales, parmi les critères de départage ou pour qualifier l’imposition de certains revenus (ex. traitement/salaire en cas de mission temporaire). Ce n’est pas du droit interne, c’est du droit conventionnel.
Dans un dispositif interne spécifique: l’exonération des traitements et salaires perçus à l’étranger (CGI, art. 81 A; BOI-RSA-GEO-10-20). Ici, la durée de 183 (ou 120) jours intervient pour certaines exonérations, mais cela ne traite pas de la définition du domicile fiscal; c’est un régime d’exonération applicable à des résidents de France détachés à l’étranger, sous conditions précises (régime distinct de la question du domicile fiscal).
4. Pièges fréquents dans l’appréciation de la résidence fiscale
Voici des cas concrets où l’on reste résident fiscal de France malgré une présence physique faible ou nulle sur le territoire, parce qu’au moins un critère de l’article 4B du CGI demeure rempli (foyer, lieu de séjour principal, activité principale, centre des intérêts économiques, agents de l’État en mission).
Attention, dans les exemples suivants, on n’examine le statut de résidence fiscale qu’au regard des critères définis précédemment.
Si la personne est également considérée comme résidente fiscale d’un autre pays selon son droit interne, alors la situation est la suivante :
S’il existe une convention fiscale entre la France et ce pays, c’est la convention fiscale qui tranche et décide de quel pays la personne est exclusivement résidente fiscale et comment est réparti le droit d’imposer entre les deux pays.
En l’absence de convention venant invalider la règle française, la personne est bien résidente fiscale en France.
4.1 Foyer
Cas d’une expatriation “solo” : une personne réside 9 mois par an à l’étranger pour quelque raison que ce soit. Son conjoint et ses enfants vivent en France dans le logement familial.
Le centre des intérêts familiaux reste en France, et donc aussi la résidence fiscale.
4.2 Lieu de séjour principal
Un couple nomade passe 5 mois par an en France dans des logements loués, 4 mois dans leur maison à l’étranger et 3 mois en voyage dans d’autres pays.
Leur lieu de séjour principal est la France, et donc aussi leur résidence fiscale.
4.3 Activité professionnelle principale
Un dirigeant d’entreprise dont le siège est en France passe l’année en déplacement à l’étranger. Son temps est passé majoritairement à diriger l’entreprise.
Il est considéré que son activité professionnelle principale se trouve en France, et donc aussi sa résidence fiscale.
4.4 Centre des intérêts économiques
1) Un couple (retraités notamment) vit à l’étranger, mais dispose de biens immobiliers locatifs en France ou de revenus mobiliers provenant de parts de sociétés françaises ou d’assurances-vie françaises ou d’autres investissements sur des comptes en France.
Si le couple tire la majeure partie de ses revenus de ces investissements situés en France, alors la France le considère comme résident fiscal français.
2) Un couple (retraités notamment) vit à l’étranger sans aucun bien en France et dispose à l’étranger d’un compte avec des titres de sociétés françaises. Les revenus (dividendes) de ces actions sont considérés comme issus de source française. S’ils constituent la majeure partie des revenus du couple, alors la France considère ce dernier comme résident fiscal français.
5. Conditions pour ne pas être considéré comme résident fiscal français (hors convention fiscale)
Pour ne pas être considéré comme résident fiscal français (hors prise en compte d’une convention fiscale), il est nécessaire de respecter l’ensemble des conditions suivantes :
Ne pas avoir de membre de son foyer familial (conjoint, partenaire de pacs, enfant mineur) en France
Ne pas séjourner principalement en France par rapport aux autres lieux de séjour
N’avoir une activité professionnelle en France qu’accessoire
Ne pas avoir en France le centre de ses intérêts économiques (revenus de source française)
La résidence fiscale en droit interne français repose sur une appréciation globale de plusieurs critères : foyer ou lieu de séjour principal, activité professionnelle principale, et centre des intérêts économiques.
La prétendue règle des 183 jours n’est qu’un élément parmi d’autres et ne saurait être considérée comme un seuil automatique.
La complexité des situations individuelles impose souvent une analyse approfondie et, en cas de doute, la consultation d’un professionnel du conseil patrimonial ou fiscal est indispensable pour sécuriser la situation fiscale. Je vous propose de vous accompagner dans le cadre de mon activité de conseil juridique et fiscal.


